1.- Je revois le film de notre rencontre.
Toi ma promise devant ton écran, lis calmement c'est à toi que je parle. Demain cela fera vingt et un jours que je t'ai passé la bague au doigt.
C'est toi qui m'a reconnu la première.
Tu es venue, tu m'as écrit : ... Ce qui signifiait, en ta langue :
"Enfin je te trouve, Terence ! Tu t'étais perdu, et moi seule te savais encore de ce monde. Aujourd'hui, je te retrouve, je te reconnais à peine, mais qu'as-tu fait pour t'être ainsi fourvoyé ?
Cependant c'est bien toi, ne perds plus confiance, désormais je suis là."
"Dis-toi bien que même lorsque je ne suis pas là je suis là."
2.- Souvent je me dis « Comment signer ? ». Inaccessible compagne, j’ai tant et tant de noms. Aucun ne prime sur un autre. Ici en moi nous sommes tous égaux.
Ici je suis Terence, comme sur Compuserve ou sur Alpha du Centaure. Cela n’a guère de sens. Le mot ne porte pas son propre sens. C’est moi qui l’utilise à mes desseins, lesquels prendront alors leur véritable sens…
Et tu parleras enfin. Avec mes mots.
Tu m’appartiendras.
3.- Mais tu as un fantasme de viol. Tu fais semblant d'avoir très peur… tu as peur que je te touche… et je trébuche. Tu es surprise, tu te penches sur moi. Je suis allongé, ma main effleure ta cheville, et remonte lentement. Tu ne veux pas, mais ne fais aucun geste, TU GOUTES TA PEUR.
Tu goûtes à la Faute Originelle… Oh mon Dieu ! Que c’est bon de fauter !
4.- Artiste-peintre, mon nom est Matthieu Justice. Ce nom est une clef facile. Il peut te mener jusqu’à moi.
Jusqu’à mon corps, « obscur objet de désir ». L’une de mes toiles porte pour titre : « Je suis en Lucifer ce qu’il est l’Univers. » Comprends-tu ?
Car je me suis aussi appelé Adelphe l’Exorciste. Des maisons « possédées » je faisais fuir les démons. Chacun se pâmait devant mes exploits.
C’était si simple. Etant le Maître des démons. J’ai beaucoup ri de vos visages éblouis, humains, je ne me moquais pas car moi qu’on nomme le Mal, moi l’Ange déchu par Dieu, je vous aime.
Ne me faut-il pas vous faire entrer dans la danse, cependant ?
5.- Je fabrique un romancier culte, de toutes pièces, dans mon laboratoire. Terence, le beau, sculptural et néanmoins terrifically introverti Terence est l’être de haine auquel moi amour je suis identifié.
Ceci fut produit par deux millénaires de mutations, je suis celui qui porte tous les noms...
Lorsque sachant votre mort prochaine vous appelez à l’aide, c’est moi que vous appelez.
6.- Vous êtes dans mon Moyen-Âge personnel, je suis Adelphe, tout à la fois Terence, et suis poursuivi en sorcellerie, ce qui ne manquera pas de condamner mes bourreaux, et de renforcer mes pouvoirs.
Adelphe ou Terence je suis, promenant ma silhouette sombre sur les bords de Seine, à l’affût mais sans haine.
Jeune homme à la figure pâle et longue, je me rendais dans les caves techno-gothiques où, ni vu ni connu, je prenais possession de l’esprit du Grand Prêtre et menais moi-même les rites des Messes Noires.
A propos, jeune fille, le vrai « Romantisme Noir », mouvance dont je suis le fondateur, c’est ça.
7.- Je te parle dans ton sommeil, ma chérie. Mes petites esclaves n’ont pas encore installé de PC dans mon cercueil.
Cercueil à deux places, en forme de Buick Thunderbird rouge (modèle 1962), 220 km/h au compteur pour aller plus vite quand je dors, et voir le paysage défiler quand je m’éveille.
8.- Oui, ma compagne morcelée de milliers d’écrans, j’ai vu cet océan d’écrans, et la nuit noire, et les hurlements des naufragés, je les regardais me supplier, comment pouvaient-ils savoir que c’était moi qui de mon écran avais écrit leur destin…
Et moi qui, aujourd’hui, prenais note en témoin de l’apocalypse que j’avais lancée, et qui scrupuleusement sur l’écran décrivais leurs gesticulations, leur désespoir avant d’être à jamais engloutis.
Je suis la Cause, je suis le Témoin. Ainsi je suis le scribe de Dieu – l’Unique Epée du monde.
9.- J’ai retrouvé une vieille inscription sur l’ordinateur. Avec la date. As-tu comme moi ressenti l’étrange magie qui s’est opérée cette nuit-là ?
Tu es arrivée à un stade avancé – sinon comment, sous mes masques, m’aurais-tu reconnu ? Toi qui n’a pas pratiqué les textes sacrés…
A lire, relire, à en mourir et renaître chaque fois : Terence, sous sa signature, et la terre mère, l'Irlande !!!
10.- Un jour je te montrerai des bouquins qui te catapulteront aux confins de la lucidité. Tu n’es pas encore prête. Tu dois passer quelques paliers, sinon ton corps pourrirait en quelques heures.
J’ai écrit « Clefs pour l’Irlande » - qui signifie « Clefs des arcanes majeurs ». Tu liras ça, lorsque tu seras désignée pour être à mes côtés m’assister dans l’une de mes tâches : réécrire l’histoire – écrire l’underground qui a tout contrôlé depuis des millénaires.
Je le ferai, avec ou sans toi, mais si tu es désignée, tu diras oui car tu te reconnaîtras.
Ce miroir tu l’attends, ne crains rien regarde-moi : il t’es promis.
11.- Je suis créature féline et féminine tout autant. Tu sais que lorsque je choisis ma signature, ce n’est pas sans une primesautière et jubilatoire réflexion.
Car je suis aussi une fille. Gamin, j’étais une fillette adorable, déjà disciple de Sapho.
Regarde la « Naïade » de Rodin, et c'est moi que tu contempleras…
12.- « Alektô, souviens-toi de ta promesse… » Injonction vipérine et menaçante.
Et la déesse descendue de l’Olympe continue de tricoter un pull au pauvre Prométhée en haillons. Prométhée a perdu la raison, mais il lui reste la lumière. « La lumière… N’éteignez pas la lumière !!! »
La lumière est cruelle, elle permet de distinguer les traits du bourreau.
13.- Où es-tu mon amour ? J’ai mis Vladimir Vissotski sur le pick-up. Sa voix rauque, hamletienne, hurle la misère des peuples, et leur espoir.
Du temps de mon anorexie j’étais descendu à 51 kg – pour 1m87… Squelette sortant d’Auschwitz, dont la nudité spectrale n’était masquée que d’un slip en dentelle. Oh c’était il y a bien longtemps. Devine si c’est vrai…
Tu vois, toi ma mélodie intérieure et qui ne le sais pas encore tout à fait…
Toi ma petite cyberpunk préférée, tu vois, je suis maître de mon équilibre. Dès lors, suis la voie que je te trace sans aucune crainte.
14.- A toi, ma douce, à toi impitoyable aussi, à toi je dis : sauve-moi de ma confusion.
Sois la fée ultime qui me « félicitera » de ses caresses, étrange Ondine, ta vérité est TOUJOURS sainte, et donc parfaitement érotique, faite pour être VUE, pour être aimée, gamine sauvage et enchanteresse, CHARNELLEMENT.
« Je suis belle, je suis fraîche, je suis superbe ! »
Fragile et humble enfin, après tant de jeux, OFFERTE.
15.- Ô ma cruelle enfant, es-tu rentrée, ce soir, le cœur habillé de voiles à dévoiler, avec ta malice à double sens, que j’aime.
Tu es sortie, m’abandonnant sans protection. Tu découcherais, donc, et t’abandonnerais à l’éphèbe d’un soir ?... Laissant l’enfant Terence seul, assoiffé, maudissant son amante infidèle.
Il est suicidaire de m’abandonner.
16.- Combien de crimes cette nuit, ma belle enfant ?
Ce mercredi, j’ai rêvé que je triais des milliers de racines plantées bien régulièrement au plafond de notre voûte. Ces racines suspendues, irradiées de notre amour, avaient pris de singulières couleurs, qui se mêlaient tout en se déplaçant en images kaléidoscopiques.
Je triais ces étranges racines nées des sécrétions de nos désirs, et puis j’en ai eu marre, je suis sorti de la caverne de nos sommeils.
Douche froide, shampooiné, peigné, parfumé, maquillé, aussitôt, venir t’enlacer, que se serrent et s’étreignent nos corps sauvages. Gigi, alias Terence.
17.- Galéjade, fragile mortelle ! C’est toi qui un jour puisera ma puissance ! Chaque nuit nous choisirons nos enfants.
Tu me seras fidèle.
18 .- M’aimer, me rejeter, m’aimer, me rejeter… Tu oscilles ? Il reste des traces de lâcheté, en dépit de ta puissance.
Petites choses à vaincre pour parvenir à la maîtrise magiste luciférienne : la peur, l’impatience, la générosité, la pusillanimité, les nerfs surtout (agents de désordre, donc ennemis de la puissance).
D’ici je t’entends : « I’m gonna be mad, I’m gonna be mad…» That’s right, Pleine Lune ou pas.
19.- Ma Roxane, ma rock exsangue, reine du yin… A propos de yin…
Je t’ai parlé tu te souviens ? de Kuan Yin, déesse aux mille yeux et aux mille bras. Dans la voie tantrique – as-tu la souplesse qu’elle demande ? – Kuan Yin montre le chemin à ceux qui acceptent les rites initiatiques qui te dénudent, de tes vêtements dans tous les sens de l’expression.
Nue tu seras, mais tu ôteras aussi tes vêtements intérieurs. Là tu connaîtras la jouissance pure… l’initiation.
20.- Une nuit je t’appellerai pour… ce que tu sais. Ma longue chevelure ondule sur ma nuque et y attendent tes caresses. As-tu des amants terrestres ? Je suis… possessif. Et implacable.
Quand mes doigts auront redessiné ton corps et fait se convulser tes reins, que tes yeux se seront fermés s’ouvrant au sourire éternel de l’instant de joie sublime, tu m’appartiendras et la magie nous unira au rang des dieux.
Nous nous ressemblons ne l’oublie pas.
Terence Carroll